Jean-Pierre FARANDOU (P86)
LE FER CONTRE LE CARBONE
Par Marin Boyet (P14),
Membre du Comité de rédaction
À l’occasion du numéro 526 sur le rail, la Revue a rencontré le plus cheminot des Mineurs. L’occasion de revenir sur sa carrière à la SNCF et sur la politique du groupe en matière de transition écologique. 
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BIOGRAPHIE

1957 Naissance à Bordeaux

1976 Intègre l’École des Mines de Paris.

1979 Rejoint la compagnie minière AMAX à Denver, au Colorado.

1981 Rejoint le groupe SNCF comme chef de gare à Rodez (Aveyron).

1993 Pilote le lancement de la ligne à grande vitesse Paris-Lille. Créé et dirige la société Thalys.

1998 Prend le poste de directeur des cadres RH.

2000 Directeur adjoint des Grandes Lignes (TGV & Intercités).

2002 Directeur de la région SNCF Rhône-Alpes.

2004 DG de Keolis Lyon.

2006 DG de SNCF Proximités (Transilien, TER, Intercités, Keolis).

2012 Président du directoire de Keolis et DG délégué du groupe SNCF.

2019 PDG du groupe SNCF.

Après y être entré en 1981, vous êtes depuis 2019 PDG du groupe SNCF. Quels ont été les moments les plus forts à la tête du groupe ?  

Tout d’abord, la multitude de crises ! Une première crise sociale dans le contexte de la réforme des retraites “épisode 1” entre décembre 2019 et février 2020, qui a été suivie de la crise sanitaire au printemps 2020. Arrêt complet des TGV, intégration des gestes barrières dans les gestes métier, télétravail massif : c’est toutes les méthodes de travail dans l’entreprise qu’il a fallu réinventer ! Pendant cette période nous avons participé au combat de la Nation face à l’épidémie avec la mise en place de TGV sanitaires, véritables “unités de réanimation ferroviaires”. La fin du confinement n’a pas été simple à gérer, avec des mesures inédites de distanciation entre voyageurs. Par la suite, nous avons dû affronter la crise de l’énergie, conséquence de la guerre en Ukraine, avec des prix de l’électricité qui ont flambé et un impact très significatif pour nous qui sommes le premier consommateur industriel d’électricité en France. Enfin, en 2023, nouvelle crise sociale, “épisode 2” de la réforme des retraites. À chaque fois, la SNCF a surmonté la crise, en faisant preuve de maîtrise et de résilience. Le corps social a plutôt bien réagi et l’image de la SNCF n’en est pas ressortie trop abîmée. 

Votre mandat est également marqué le “nouveau pacte ferroviaire”… 

Bien entendu le “nouveau pacte ferroviaire”, voté en 2018 et mis en œuvre au 1er janvier 2020, a été marquant, avec la transformation du groupe SNCF dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs en France. Il a fallu garantir que SNCF Réseau, gestionnaire d’infrastructure, et SNCF Gares & Connexions, gestionnaire des gares, soient parfaitement indépendants de l’entreprise ferroviaire SNCF Voyageurs. Il a fallu que SNCF Voyageurs se prépare à l’ouverture à la concurrence, qui est désormais tangible tant sur TGV que dans les délégations de service public TER ou Transilien. Nous avons aussi connu un fort changement culturel avec l’arrêt du recrutement au statut, la SNCF devenant une entreprise comme une autre en matière de recrutement. Depuis 2019, le dialogue social a été permanent. Je le dis souvent : je suis un infatigable du dialogue social ! La conflictualité est restée limitée, avec deux mouvements sociaux internes de deux jours chacun, et le taux d’engagement des personnels n’a fait que progresser, gagnant 10 points en 4 ans pour atteindre 74 %. En contrepartie de ces changements majeurs, l’État a accepté de reprendre 35 milliards d’euros de dette de la SNCF, demandant au management et à moi-même de remettre les comptes “dans le vert”, ce que nous avons fait avec une situation inédite pour l’entreprise de six semestres consécutifs de bénéfices. 

 

À votre arrivée à la présidence du groupe, vous publiez “Le fer contre le carbone”, plaidoyer pour le soutien au secteur ferroviaire afin de lutter contre le changement climatique. Que prône-t-il ?  

Le raisonnement est simple : d’une part, le ferroviaire consomme peu d’énergie par rapport à d’autres modes grâce au contact fer-fer entre la roue et le rail et son faible coefficient d’adhérence, et d’autre part nous avons la chance en France d’avoir une électricité décarbonée. Dans le même temps, les transports sont le premier secteur émetteur de GES (32 % des émissions), principalement à cause de la place des voitures et des camions dans le transport de voyageurs et de marchandises. La part modale du train, vertueux écologiquement, est de 10 %, pour seulement 0,1 % des émissions ! L’objectif, qui nécessite un soutien massif aux projets ferroviaires : faire un “x2”. C’est-à-dire prendre 10 points à la route pour passer à 20 % des km parcourus côté voyageurs et des tonnes transportées côté marchandises. La route resterait alors à 70 % de part modale, il faudra verdir le parc automobile, ça prendra du temps, et c’est encore plus compliqué pour les camions. 

Le fer contre le carbone : doubler la place du train pour une vraie transition climatique

Publiée en février 2022 par la Fondation Jean-Jaurès, la tribune de Jean-Pierre Farandou est un plaidoyer pour le rôle du train dans la décarbonation de la mobilité et dans l’atteinte de l’objectif central pris par la France du Zéro émission nette (ZEN) en 2050. Objectif : tenir les engagements de l’accord de Paris tout en favorisant ce secteur innovant, créateur d’emploi et d’excellence industrielle française. 

Sorti des Mines de Paris en 1979, il paraît pourtant qu’à l’époque vous étiez passionné par “les gros trucs qui fument”, est-ce vrai ? 

Oui, c’est vrai ! (rires) J’étais passionné par l’univers lourd et puissant de cette France très industrielle des années 1970. À l’École, j’ai eu la chance de pouvoir visiter des mines ou des usines sidérurgiques, je me rappelle notamment ces énormes cuves de production d’aluminium par électrolyse que nous avions visitées dans la Maurienne, les fameux sites qui fument. Et il y a autre chose : l’industrie, c’est un monde où l’on rencontre beaucoup de gens impliqués, passionnés et professionnels. J’ai été attiré par ce côté “les machines et les hommes qui s’en occupent”. 

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Alstom – Speedinnov – Avelia Horizon

SNCF fait aujourd’hui partie des grands groupes français les plus engagés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Quel a été votre cheminement dans la prise de conscience des enjeux climatiques et énergétiques ? 

Comme beaucoup de personnes de ma génération, je suis un converti tardif, et cela a été un cheminement très personnel. Dans les années 70, ce sujet n’existait pas, ni à l’École ni en entreprise, et n’était pas intégré dans les sujets de production. Aujourd’hui, on fait le constat du changement climatique tous les jours, avec les sécheresses, les inondations, les grands incendies… Étant originaire du bassin d’Arcachon, j’ai été très marqué par les incendies en Gironde à l’été 2022 : le dérèglement climatique, c’est pour de vrai. Quant aux ressources, la Terre n’a pas de réserves de matériaux à l’infini, donc il faut agir. Par ailleurs, je suis grand-père depuis peu, et le boomer que je suis a conscience qu’il a des enfants et petits-enfants : je n’ai pas envie de continuer à détruire la planète, j’ai envie de m’engager et je suis un ardent partisan du Zéro Émission Nette (ZEN) en 2050, auquel le groupe SNCF peut grandement contribuer.  

Vous l’avez dit, le ferroviaire est déjà peu carboné en France. SNCF réalise-t-elle son bilan carbone ? De quoi est-il composé ? 

Oui bien sûr, SNCF réalise son bilan carbone, qui s’élève pour les scopes 1 et 2 en France à 1,4Mt CO2e en 2023, soit -8% par rapport à 2022. Les émissions directement liées à la circulation de nos trains sont rangées dans le scope 1, et proviennent principalement des trains thermiques encore en circulation. Le plus gros poste d’émissions du bilan carbone global est le scope 3, celui des émissions indirectes, qui compte pour 77% du total, ce sont les fournitures et prestations que nous achetons auprès de nos fournisseurs pour l’activité ferroviaire et pour les activités de Keolis et Geodis. De manière générale, la SNCF est reconnue en matière de RSE : l’agence de notation extrafinancière EcoVadis a attribué la note de 85/100 au groupe SNCF (+3 points par rapport à 2023), la plaçant dans le Top 1 % des entreprises évaluées en matière d’engagement environnemental et social. Je pense également à SNCF Réseau qui a été volontariste en arrêtant dès 2021 d’utiliser le glyphosate sur les emprises ferroviaires.  

Parlons maintenant des pistes concrètes du groupe SNCF pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Côté matériel roulant, les nouveaux trains seront-ils moins énergivores ? 

Oui, c’est la philosophie adoptée pour les nouveaux trains, notamment pour le TGV M qui présente le bilan carbone le plus faible de sa catégorie : 97 % des composants de la rame sont recyclables, elle-même constituée de matériaux recyclés à hauteur de 25 % de sa masse, ce qui va permettre de moins peser sur la consommation en ressources, notamment les métaux. Il y a ici un vrai changement de paradigme, car on considérait auparavant que l’exigence de longue durée de vie pour les trains (en moyenne 40 ans) était un handicap, posant des difficultés de maintenance et d’obsolescence de technologies. C’est désormais un avantage, avec une garantie de durabilité, et une espèce de permanence des matériaux. Au total, notamment grâce à des matériaux plus légers, ce TGV consommera entre 20 % et 30 % d’énergie en moins. On peut aussi faire des économies d’énergie à iso-matériel, comme on l’a fait dans le contexte de la crise de l’énergie en 2022 où chaque kilowattheure gagné était des euros gagnés, en faisant de l’éco-stationnement, qui consiste à couper le moteur dès que possible pour éviter les consommations inutiles à l’arrêt, ou encore de l’éco-conduite, qui permet aux conducteurs de moduler leur vitesse pour consommer le juste nécessaire.  

Les trains thermiques représentent encore 13 % des trajets en France, mais 50 % des émissions du scope circulation dans le bilan carbone. Quel est leur avenir ? 

Vous avez raison, et électrifier les petites lignes qui ne le sont pas encore serait un investissement disproportionné par rapport à l’usage, ce sont donc les engins qu’il faut “dé-dieseliser”. Comme ce qui se fait dans l’automobile, nous travaillons au développement de trains hybrides, dans lesquels on a retiré une moitié des moteurs thermiques pour les remplacer par des batteries au Lithium, ce qui permet une réduction de 30 % des émissions en moyenne. Les biocarburants sont déjà utilisés aujourd’hui, avec l’exemple du Paris-Granville qui tourne à l’huile de colza, pour une réduction de 60 % des émissions. Nous travaillons également sur des trains “100 % batterie” pour lesquels il faudra surmonter les défis de l’autonomie et de la recharge. La dernière innovation, c’est le train à hydrogène, pour lequel la vraie question sera la production massive d’hydrogène, qui demande beaucoup d’électricité, avec plusieurs conflits d’usage. 

Et pour le transport de marchandises ? Comment inciter les entreprises à avoir recours au train, sachant qu’aujourd’hui le mode dit du “wagon isolé” n’est pas rentable ? 

Il faut déjà dire que lorsqu’elles calculent leur propre bilan carbone, beaucoup d’entreprises voient dans leur scope 3 le poids élevé des marchandises transportées par la route, et aimeraient passer du camion au train. Pour autant, elles veulent des prix raisonnables, ce qui dépend de deux conditions. La première, ce sont des aides d’État pour ajuster les prix à ceux du marché : nous avons obtenu une enveloppe de 170 millions d’euros d’aides annuelles au secteur dans le cadre du plan de relance, somme portée cette année à 200 millions. La seconde condition, c’est d’investir sur le réseau ferroviaire pour soulager les goulets d’étranglement, c’est-à-dire rénover des voies de service, créer des contournements de zones denses ou des raccordements aux nœuds stratégiques. Ces deux conditions sont atteignables, ce qui me rend confiant. 

 

Côté infrastructure, la sidérurgie est très émettrice de GES. Verra-t-on un jour un rail vert ? 

C’est déjà en grande partie le cas et c’est un domaine sur lequel la SNCF est en pointe. D’une part les vieux rails sont recyclés dans les hauts-fourneaux (95 % de nos rails sont recyclés), et de plus nous travaillons avec l’industriel français Ascoval qui utilise un four électrique dans son procédé de fabrication. C’est chaque année plus de 200 kt CO2e qui sont évitées de cette manière, soit plus de 4 % de notre bilan carbone total. 

La SNCF a annoncé en 2023 se lancer dans la production d’énergie solaire, quels sont les objectifs ? 

L’objectif, c’est que la SNCF devienne un producteur d’énergie photovoltaïque en utilisant ses réserves foncières, soit un potentiel de plusieurs dizaines de milliers d’hectares. L’ambition de la société SNCF Renouvelables, créée à l’été 2023, est de produire 1000 MW crête d’ici 2030, ce qui correspond à 15 % de notre consommation d’électricité ; de nombreux défis de raccordement et stockage sont encore devant nous. Nous avons aussi une immense réserve de capacité le long des voies, et nous réfléchissons à y installer des panneaux solaires longitudinaux. L’ensemble de ces projets pourrait un jour permettre de viser l’autonomie énergétique. 

 

En ce qui concerne les nouveaux projets de transport, comment la SNCF participe-t-elle aux échanges sur les Services express régionaux métropolitains (SERM) ?  

Nous sommes très actifs sur la question des SERM, qui sont des projets d’intermodalité dans lesquels nous croyons beaucoup. Le TGV a profondément modifié les déplacements longue distance dans le pays, les SERM peuvent être l’équivalent pour la vie quotidienne et pour des millions de Français, en évitant le recours systématique à la voiture individuelle. C’est moins de congestion, moins de pollution, récupérer de l’espace de parkings, etc., donc une vraie révolution sur le plan écologique. SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions participent en se mettant à disposition des collectivités pour penser, créer et phaser les projets, tandis que SNCF Voyageurs et Keolis se mettent en position de répondre aux appels d’offres pour exploiter ces futurs SERM. 

Le financement de toutes ces transformations est-il couvert ? Les 100 milliards d’euros annoncés par le gouvernement Borne en 2023 vont-ils se concrétiser, et si oui comment ? 

Quand on parle de ces 100 milliards d’euros supplémentaires pour le ferroviaire, c’est tout d’abord une addition.  

Pour commencer, 30 milliards de plus répartis sur 20 ans dévolus à l’entretien et la modernisation du réseau ferré national, à deux tiers sur la régénération des voies et un tiers sur la modernisation des équipements de signalisation. C’est la seule réponse possible aux enjeux de qualité de service qu’attendent les Français dans tous les territoires. Les besoins sont couverts jusque 2027, financés par la seule SNCF : entre 2024 et 2027, notre contribution à la régénération et la modernisation du réseau sera au total de 6 milliards d’euros. Après 2027, il faudra investir 1,5 milliard par an supplémentaire par rapport aux investissements déjà prévus pour éviter le vieillissement du réseau. Le groupe SNCF prendra sa part, à hauteur de 500 millions par an, mais il ne pourra assumer seul ce ressaut nécessaire d’investissements. Il faudra alors trouver des financements complémentaires. 

Le reste, c’est 70 milliards d’euros de nouveaux projets, chacun financé indépendamment. Cela comprend de nouvelles lignes à grande vitesse, comme le Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest, qui compte à lui seul pour 14 milliards€, la liaison Montpellier-Perpignan et un raccordement jusqu’en Catalogne, la ligne nouvelle PACA, le Roissy-Picardie…  

La 2e famille de projets, ce sont les SERM dont nous avons parlé, avec en moyenne 1 ou 2 milliards à trouver par projet. Enfin, un ouvrage majeur est le contournement pour le fret de l’agglomération lyonnaise, dont on a besoin pour développer le trafic qui passe encore aujourd’hui par la gare de Lyon Part-Dieu. Pour se concrétiser, l’objectif du “x2” a aussi besoin de la création des voies associées à tous ces grands projets. 

 

Où en est-on sur le déploiement du European Rail Traffic Management System (ERTMS), permettant l’interopérabilité entre pays, mais aussi de faire circuler plus de trains sur les lignes en améliorant leur détection ? 

Pour fonctionner en ERTMS, il faut que la voie soit équipée, mais aussi les engins, ce qui n’est pas le cas de nombreux trains à l’heure actuelle, et que l’on ne peut pas “rétrofitter”. Une grande étape pour le déploiement de l’ERTMS aura donc lieu d’ici 15 ans, lorsque l’on renouvellera une partie des parcs régionaux avec du matériel neuf. Pour l’infrastructure, nous allons déployer l’ERTMS corridor par corridor, en commençant par Paris-Lyon en novembre 2024 avec le projet LGV+.  

Quel rôle joue la SNCF dans l’animation de l’industrie ferroviaire sur ces questions de transition, et notamment dans la construction de la feuille de route de décarbonation du secteur ? 

Il faut déjà rappeler que la SNCF est elle-même un acteur industriel de premier plan en France. La maintenance des trains, c’est avant tout des technicentres qui sont d’immenses usines, avec des installations massives et des opérateurs et des ingénieurs aux compétences allant de la mécanique à l’électronique, en passant par la chaudronnerie ! Sur le réseau ferré national, la construction et la rénovation des ponts, des tunnels, etc. sont de grands projets de BTP. Plus largement, nous jouons dans la filière industrielle française un rôle de chef de file en tant que donneur d’ordre auprès de nombreux fournisseurs sur les périmètres du matériel roulant, de la signalisation et des travaux. À ce titre, nous avons un rôle important à jouer dans la décarbonation du secteur. Nous mettons de plus en plus d’objectifs de verdissement dans nos appels d’offres et nos contrats de sous-traitance. Nous sommes aussi moteurs d’innovations dans les groupements industriels, avec le lancement du Conseil d’Orientation de la Recherche et de l’Innovation de la filière ferroviaire (CORIFER). 

La SNCF s’appuie-t-elle aussi sur les technologies du numérique et de science des données pour faire des économies d’argent ou d’énergie ?

Oui, un cas d’application majeur est celui de la maintenance prédictive, où comme tous les industriels, nous aimerions le “zéro panne”, en équipant de capteurs les organes sensibles des trains comme ceux de l’infrastructure pour détecter une panne prochaine et intervenir avant qu’elle ne survienne. C’est une démarche déjà lancée sur les rames Transilien où l’on a pu diviser le nombre de pannes par deux. Il faut garder en tête qu’avec moins de pannes, on gagne en fiabilité et donc on renforce l’attractivité commerciale du train. 

 

 

Carte blanche : vous avez découvert le sommaire du dossier de cette Revue, y a-t-il un des thèmes qui vous tient particulièrement à cœur, et que vous souhaiteriez commenter ?  

Tous vos thèmes m’intéressent bien sûr, mais mon coup de cœur irait à l’article des deux jeunes femmes parlant de leur quotidien en tant que managers d’unités opérationnelles (lire pages 34-35). On a davantage parlé de technique que d’humain dans cet entretien, alors que derrière tout ça il y a des hommes et des femmes, et avec la parité c’est encore mieux. La féminisation dans le ferroviaire est fondamentale, nous avons besoin de recruter et tous nos métiers peuvent être tenus par des femmes, on ne peut pas se priver de la moitié du marché du travail. 

 

 

Le regard des jeunes promotions

3 questions par les étudiantes et étudiants des trois écoles des Mines

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Camille Jacotot (N22)

Camille Jacotot (N22) – Selon vous, le fait que la SNCF appartienne au secteur public constitue-t-il plutôt une force ou une faiblesse, autant pour l’entreprise que pour les usagers ?

Jean-Pierre Farandou – Je suis très favorable à ce que la SNCF reste publique dans toutes ses composantes. Comme toute entreprise, nous avons des concurrents, des sujets de compétitivité, d’innovation, de maîtrise de la dette et de commissaires aux comptes. Mais le fait que l’on soit une entreprise publique nous permet de poursuivre, et c’est ce qui est profondément notre ADN : l’intérêt général au service des Français, l’aménagement du territoire et une capacité à se mobiliser lorsqu’il y a des coups durs. Tout cela c’est possible parce que nous appartenons à l’État.

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Charles Bert (E21)

Charles Bert (E21) – Les prix du TGV sont perçus comme plus chers que la voiture, et parfois moins pratiques. Cette situation semble exacerbée par le yield management. Il s’agit d’un service public, non ?

Jean-Pierre Farandou – On le croit souvent à tort, mais le TGV n’est pas un service public et ne bénéficie d’aucune subvention. Dès lors, le TGV doit amortir ses coûts, et ils sont importants : un TGV, c’est une Formule 1 qui roule à 300km/h, ça suppose un engin très sophistiqué, environ 35 millions d’euros par rame. C’est aussi une infrastructure conçue au millimètre pour garantir la circulation en sécurité, les lignes à grande vitesse sont chères à construire et maintenir, comme le reflète la partie “péage” du coût des billets, soit 40 % du prix. Le yield management, c’est l’adaptation de l’offre à la demande. Il est vrai que les prix peuvent sembler élevés les jours de grands départs, mais il y a des parades : les OUIGO avec les offres tarifaires entre 15 et 25 euros, les cartes avantages qui permettent de disposer de prix réduits, ou encore le fait de décaler son voyage de quelques heures ou de prendre son billet le plus tôt possible. Beaucoup de Français l’ont compris, comme l’illustre le fait que l’on batte des records à chaque ouverture de vente. En réalité, le prix du TGV n’a pas bougé en euros constants depuis cinq ans, avec un prix moyen du billet à 45 euros… soit le prix d’un taxi pour Roissy depuis Paris !

Aujourd’hui le TGV reste populaire. À l’arrivée des nouvelles rames, nous poursuivrons cette logique de volume et de prix accessibles en augmentant la proportion de places à prix modérés et la proportion de OUIGO dans l’offre TGV totale, qui représentera 30 % des places.

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Nicolas Houbouyan (P23)

Nicolas Houbouyan (P23) – Que répondriez-vous aux gens qui, comme moi, ont l’impression que les cheminots sont en décalage avec le reste du monde du travail ? Je pense notamment aux mouvements de grève réguliers malgré un statut plus avantageux que la moyenne.

Jean-Pierre Farandou – Aujourd’hui, le climat social n’est pas si mauvais que ça. Il faut bien se rendre compte que les cheminots et les syndicats vivent depuis maintenant plusieurs années une grande transformation de l’entreprise qu’ils n’avaient pas appelée de leurs vœux : la grande SNCF se morcelle, et ça change les références. Quand des salariés sont concernés par le transfert obligatoire auprès d’une entreprise concurrente, ça provoque de l’inquiétude qu’il faut traiter avec information, écoute, et beaucoup d’accompagnement ; ce n’est pas complètement anormal qu’il y ait de la tension compte tenu du contexte.

Propos recueillis par MARIN BOYET (P14) et HUGUES GIGLEUX (P08) – marin.boyet@mines-paris.org / hugues.gigleux@mines-paris.org

Marin Boyet
Marin Boyet (P14)
Marin Boyet (P14) est membre du Comité de rédaction de la Revue. Il est ingénieur des Mines et titulaire d'un doctorat de l'École polytechnique. Il est ingénieur à SNCF Réseau.
Hugues Gigleux
Hugues Gigleux (P07)
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1 commentaires
  • Théophile Cantelobre

    Bravo !