Après une décennie difficile, notamment à la suite de la catastrophe de Fukushima, nous avons assisté lors des dernières années à une véritable relance du nucléaire français. L’annonce du programme EPR2 et la création de la Délégation interministérielle au nouveau nucléaire lors du discours de Belfort, ainsi que les différents Conseils de politiques nucléaires (CPN) ont dessiné le cycle du combustible post 2040.
Par conséquent, afin de répondre en toute sûreté aux besoins du parc nucléaire existant et futur, il a été confirmé lors des CPN des 26 février 2024 et 17 mars 2025 la poursuite des investissements menés par Orano sur l’aval du cycle du combustible. Ces investissements, à moyen et long terme, sont portés par les programmes Pérennité & Résilience, et Aval du futur.
L’Aval du futur
Le projet Aval du futur constitue l’un des axes stratégiques du Groupe Orano pour les décennies à venir, et consiste à renouveler au sein d’un même site les installations de La Hague et de Melox. Cette nouvelle usine permettra de doter la France de l’outil industriel permettant le recyclage des combustibles jusqu’à la fin du siècle et de préparer les combustibles de la future génération de réacteurs nucléaires.
Les premières études de conception ont démarré en 2024 et prévoient, après la tenue d’un débat public, un début des travaux en 2031, pour une mise en service actif des premières installations en 2040. Bien que le projet Aval du futur soit encore aujourd’hui à un stade très amont, plusieurs grands principes sont déjà retenus :
- La réalisation d’un atelier de déchargement et d’entreposage sous eau, avec de nouvelles piscines d’entreposage des combustibles usés, en remplacement des bassins actuels, permettant de répondre aux besoins d’EDF et des clients étrangers ;
- La réalisation sur le site de La Hague d’une nouvelle usine de fabrication de combustible MOX (Mixed OXydes), en remplacement de l’usine actuelle de Melox (Gard), avec une mise en service à l’horizon 2040, permettant ainsi d’optimiser les transports des matières nucléaires nécessaires à la fabrication du MOX. En effet, à l’heure actuelle ces matières sont extraites au sein des ateliers de La Hague et utilisées à Melox, impliquant des transports de matières sensibles ;
- Le lancement des études pour une nouvelle usine de traitement des combustibles usés, de capacité similaire aux usines actuelles, également sur le site de La Hague dont la mise en service aurait lieu à l’horizon 2050.
Ces installations (Figure 1) seraient progressivement mises en service à partir de 2040 et permettraient de projeter l’activité de traitement-recyclage au-delà de 2100. Le projet Aval du futur a pour ambition de permettre la valorisation des combustibles MOX usés et URE (Uranium de Recyclage Enrichi) et d’atteindre jusqu’à 40 % d’économie d’uranium naturel grâce au multi-recyclage des combustibles. Il trace ainsi une vision industrielle jusqu’à la fin du siècle : il permettra d’offrir de la flexibilité aux décideurs pour préparer la fermeture du cycle du combustible et, le cas échéant, amorcer la transition vers les réacteurs de génération IV (réacteurs à neutrons rapides).
Ce projet, d’un ordre de grandeur de plusieurs dizaines de milliards d’euros et dont la durée estimée de conception, construction puis de mise en service des installations est de 25 ans (Figure 2), nécessitera une saisine de la Commission nationale du débat public en vue d’un débat public sur le projet. Bien que le projet se situe sur le site actuel d’Orano, à l’intérieur du périmètre classé Installation nucléaire de Base, il aura un impact territorial très important, tant en matière d’emploi que d’aménagement du territoire pour toute la durée des travaux.
Afin d’opérer la jonction entre les usines actuelles et la livraison des installations de l’Aval du futur, le programme de pérennité-résilience est mis en place en parallèle pour prolonger les usines actuelles de La Hague, de Melox et de TU 5 du Tricastin au-delà de 2040.
Pérennité & Résilience
Les unités UP2–800 et UP3 1 du site de La Hague, mais également l’usine de Melox et l’atelier TU 5 au Tricastin, ont été mis en service dans les années 1990 et maintenus pour une fin d’activité actuellement prévue à l’horizon 2040. Suite aux décisions du CPN de février 2024, il convient désormais de changer de paradigme et de considérer ces installations comme étant à mi-vie. À l’instar des centrales nucléaires EDF, cela s’accompagne du déploiement d’un programme de maintenance exceptionnelle pour prolonger la durée de vie de ces installations jusqu’à l’horizon 2060 (Figure 3).
Sur le site de La Hague, la maîtrise du vieillissement et de la pérennité des installations est déployée depuis les années 2000 autour de 3 principes :
- L’exploitation de nos installations en limitant, retardant ou supprimant les conséquences des mécanismes de vieillissement ;
- La prévision ou la détection suffisamment tôt des dégradations pouvant entraîner la perte de fonction d’un équipement ;
- La définition de parades à l’apparition de ces dégradations et la prise de mesures correctives, comme la réparation ou le remplacement.
À travers le Programme Pérennité, ces 3 principes sont désormais formalisés sous 3 axes :
- Collecter les menaces inhérentes au vieillissement du site et évaluer le risque associé ;
- Définir et lancer les études à mener et les investigations nécessaires ;
- Prioriser les investissements et les décliner en plan d’action.
À ce jour, près d’une centaine de projets ont été identifiés et ajoutés au programme. Ils ont été répartis en différents plans de projets : Cœur de procédé, Fonctions transverses et utilités communes, Réexamens Sûreté/Agression, Études/Investigations/R&D et Résilience. La démarche Pérennité vise à maintenir un niveau de fiabilité des installations permettant une production nominale de 1 200 tonnes de combustible usé retraité par an le plus longtemps possible. La démarche Résilience est complémentaire et vise à limiter la gravité des aléas techniques qui pourraient néanmoins survenir.
Le Programme Résilience a pour objectif de garantir la production en identifiant les redondances et interconnexions qui auront pour objectif d’atténuer d’éventuels aléas techniques pouvant se présenter malgré les projets de pérennité. Il a également pour objet de réaliser les opérations de remplacement du programme Pérennité sans impacter le programme de traitement lors des travaux.
Pour cela, une démarche d’analyse en 4 étapes du niveau de résilience de La Hague est en cours :
- Identification des risques de défaillance des unités procédés et estimation de leur probabilité d’occurrence ;
- Identification des mesures de résilience déjà existantes ou envisageables en fonction des scénarios de monodéfaillance les plus probables et des objectifs minimaux ou nominaux de production annuelle ;
- Stress test de ces mesures de résilience face à des scénarios de doubles défaillances ;
- Analyse gain/effort de ces mesures de résilience, puis identification d’éventuelles études complémentaires à mener.
La démarche Pérennité & Résilience, lancée en 2024, doit fournir un programme industriel de surveillance, de maintenance et de projets pour la poursuite des activités de traitement recyclage au sein de l’usine actuelle aux horizons 2050, 2055 et 2060, jusqu’à la mise à disposition des usines de l’Aval du futur.
La totalité des dépenses de la période 2024-2026 est financée via un avenant au contrat ATR (Accord Traitement Recyclage) liant Orano Recyclage à EDF. Pour les périodes suivantes, il est acté que le financement passera par le même canal, mais le montant annuel reste à définir. En ordre de grandeur, cela représente un doublement des investissements sur le site de La Hague.
L’aval du cycle du combustible
Dès son arrivée sur le site de La Hague, le combustible usé des centrales nucléaires est déchargé puis extrait de son emballage, avant de séjourner pendant 7 à 10 ans en piscine pour permettre à celui-ci de baisser en température d’une part et à la radioactivité de décroître d’autre part. Les combustibles sont ensuite cisaillés avant d’être plongés dans une solution d’acide nitrique chargée de dissoudre les matières nucléaires. Un atelier chimique se charge alors de séparer les matières recyclables (96 % du combustible) des déchets ultimes, non valorisables (4 % du combustible).
Parmi les matières valorisables, l’uranium de recyclage représente 95 % du combustible usé (voir Figure 4). Cet uranium est expédié sous forme UO2(NO3)2 sur l’atelier TU 5 du site du Tricastin pour être converti en U3O8 solide. Cet uranium est soit entreposé comme réserve stratégique, soit réenrichi et revalorisé en combustible Uranium de Recyclage Enrichi (URE) pour alimenter les centrales EDF. Le plutonium représente 1 % des combustibles usés et est expédié dans l’usine de Melox dans le Gard, où il est mélangé à de la poudre d’uranium appauvri issu de l’amont du cycle du combustible afin de constituer des assemblages MOX, également valorisés au sein des usines EDF. Les 4 % de déchets non valorisables sont conditionnées de manière sûre et stable à destination de leur stockage définitif en profondeur (projet CIGEO).
Aujourd’hui, le recyclage permet de produire 10 % de l’électricité nucléaire française grâce au combustible MOX issu du plutonium recyclé. Cette part peut atteindre 25 % grâce au combustible URE issu de l’uranium recyclé, puis jusqu’à 40 % grâce au multi-recyclage.