L’ingénierie médicale et les arts
Le corps humain reste une source d’inspiration inépuisable pour les artistes, qu’on le représente, qu’on l’utilise comme instrument, comme support ou qu’on le façonne. Si l’imagerie médicale est une source féconde pour les arts plastiques, des traitements médicaux sophistiqués peuvent en modifier les possibilités, réelles pour développer ses performances, ou imaginaires, dans des scénarios fantastiques dont la littérature et le cinéma abondent : Pauvres créatures de Yorgos Lanthimos ou Frankestein de Mary Shelley, voire les corps dénaturés de David Cronenberg.
Notons en imagerie les recherches plastiques du radiologue Rodolphe von Gombergh et celles du professeur Denis Ducreux sur les IRM de connexions cérébrales.
Mortelle résurrection
Une expédition scientifique internationale en Antarctique découvre une femme et un homme en hibernation. On parvient à réanimer la femme, Éléa, et à communiquer avec elle. Au fil de son récit, on apprend à connaître une civilisation très ancienne, plus avancée technologiquement que la nôtre, mais anéantie par une guerre totale. Éléa a été choisie par Coban, un savant éminent, pour perpétuer l’espèce avec lui après les ravages de la guerre or Éléa aurait préféré rester près de Païkan, son grand amour. Ajoutons que Simon, membre de l’expédition, tombe amoureux d’Éléa et que notre monde est ce qu’il est : tout est en place pour que ça finisse mal.
À partir d’un scénario écrit pour André Cayatte, mais impossible à financer, René Barjavel fait un roman, qui deviendra finalement un classique. Un demi-siècle plus tard, le dessinateur Christian de Metter crée un très bel album sur l’histoire imaginée par Barjavel.
La nuit des temps compose des thèmes traditionnels de la science-fiction (ingénierie médicale avancée, énergie sans limites, rapports sociaux rationalisés, savant démiurge, armes redoutables, civilisation supérieure engloutie) avec le triangle amoureux fatal, classique de la littérature. En contrepoint, des préoccupations politiques très contemporaines sur la fragilité de la paix dans le monde.
La vigueur du dessin de Christian de Metter et ses atmosphères crépusculaires rendent justice à l’imagination de Barjavel.
D’une souris et d’un homme
Charlie, déficient mental, travaille dans une boulangerie ; Algernon, souris de laboratoire, fait des prouesses grâce aux expériences des chercheurs Nemur et Strauss. Leurs innovations en ingénierie médicale sortiront-elles Charlie de sa condition ?
De fait, Algernon montre la voie à Charlie. Jusqu’au bout. Mais qu’y a-t-il au bout ? Et quels sont les pièges sur le chemin ?
Daniel Keyes se préoccupe des rapports entre intelligence, savoir et émotions, soucieux de ce que son parcours universitaire l’éloigne de ses parents, peu instruits, avec qui il avait des liens forts. Il s’interroge sur ce qu’il adviendrait d’une personne dont les progrès des neurosciences amplifieraient les performances intellectuelles et va plus loin en situant le point de départ du sujet dans la débilité mentale.
En 1959 Keyes publie une nouvelle d’une quarantaine de pages puis passe plusieurs années à en approfondir le parcours pour publier le roman en 1966. Des fleurs pour Algernon a alors un retentissement considérable et donne lieu à des adaptations télévisuelles, théâtrales, des films, et même une comédie musicale.
Les progrès actuels des neurosciences pourraient relancer les questionnements de Keyes sur les interactions entre puissance intellectuelle, affectivité et relations sociales, notamment dans une démarche interventionniste à visée curative.
La nouvelle est d’une rigueur et d’une densité rares, le roman explore les profondeurs dans leurs moindres recoins avec autant de richesse que d’acuité. Les textes de Daniel Keyes restent brûlants d’actualité.