L’ASNR
nouvelle autorité au service de la sûreté nucléaire
Par Pierre-Marie Abadie (CM94),
Président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)
Née de la fusion de l’ASN et de l’IRSN, l’ASNR est la nouvelle autorité indépendante chargée de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Face à la relance du nucléaire et aux innovations technologiques, elle doit adapter ses missions de contrôle, d’expertise et de recherche tout en maintenant un haut niveau d’exigence.
Datadome
©A. Morim/Médiathèque IRSN. L’ASNR expertise la sûreté des installations nucléaires civiles à chaque étape de leur cycle de vie, de leur conception à leur démantèlement. Ici, dans le cœur de l’EPR de Flamanville.

Dans un monde en constante évolution technologique, les enjeux énergétiques, sanitaires et environnementaux sont prégnants. L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est engagée au service de la protection des personnes et de l’environnement contre les risques liés aux activités nucléaires et aux expositions aux rayonnements ionisants, qu’ils soient d’origine naturelle ou artificielle. 

L’ASNR, autorité administrative indépendante, créée le 1er janvier 2025 conformément à la loi n°2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, s’appuie sur un collectif intégrant activités de recherche scientifique, d’expertise, d’instruction et de contrôle. Elle intervient et conseille les pouvoirs publics dans les situations d’urgence. Dans tous ses domaines d’activité, l’ASNR travaille en lien avec ses pairs au niveau européen et international.

 

Cinq missions essentielles

 

Forts de l’expérience de l’ASN et de l’IRSN, nous avons désormais pour mission de : 

Contrôler. L’ASNR contrôle les activités nucléaires civiles (centrales nucléaires, combustibles nucléaires, déchets radioactifs, transport et colis de substances radioactives, installations médicales, laboratoires de recherche, activités industrielles) tant sur les aspects matériels qu’organisationnels et humains. Son objectif principal est de s’assurer que tout responsable d’activité nucléaire assume ses obligations en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. L’action de contrôle se concrétise par des décisions, des prescriptions, des inspections de terrain et, le cas échéant, des sanctions. Notre rôle est également d’assurer une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national et de contribuer à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes.

Réglementer. L’ASNR contribue à l’élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décret et d’arrêté ministériel. Elle instruit l’ensemble des demandes d’autorisations individuelles des installations nucléaires ou prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité, et les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives.

Expertiser. L’ASNR expertise la sûreté des installations nucléaires civiles à chaque étape de leur cycle de vie, de leur conception à leur démantèlement. Par ailleurs, l’ASNR évalue les risques liés à l’usage des rayonnements ionisants pour la santé humaine et l’environnement. Elle participe à la veille permanente en matière de radioprotection au niveau environnemental et des populations.

Mener des recherches. L’ASNR est un organisme de recherche de référence internationale dans le domaine des risques radiologiques et nucléaires. Nous définissons des programmes de recherche pluridisciplinaires. La recherche menée se décline selon deux axes. Le premier vise à maintenir et développer les connaissances et compétences nécessaires à l’expertise dans les différents domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le second cherche à faire progresser les connaissances fondamentales, en particulier pour comprendre les effets des rayonnements ionisants sur la santé et l’environnement.

Évaluer et informer. En situation d’urgence radiologique, l’ASNR évalue la nature et la gravité de l’événement, son évolution et ses développements possibles ainsi que les conséquences radiologiques avérées ou potentielles de la situation. Elle apporte son appui aux pouvoirs publics sur les actions de protection de la population. Parmi nos missions enfin, l’information et le dialogue. Nous informons le public de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France et participons à la mise en œuvre de la transparence en France. Chaque année l’ASNR rend compte de son activité au Parlement. 

Parmi nos missions au service du public, nous contribuons au développement d’une culture de radioprotection chez les citoyens. L’objectif est d’apporter les connaissances nécessaires pour adopter des comportements appropriés face aux différentes situations d’exposition aux rayonnements ionisants, qu’elles soient quotidiennes, professionnelles, médicales ou accidentelles.

 

Conforter les fondamentaux dans un contexte en mutation

 

Une fois posées ces missions au service de nos concitoyens, quels sont nos principaux enjeux et priorités à court terme ? Au sein de la nouvelle ASNR, nous travaillons avant tout à conforter nos fondamentaux, issus de plusieurs décennies d’histoire et de construction collective, en particulier la priorité de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans nos travaux auprès de l’ensemble des parties prenantes, pour protéger les personnes et l’environnement ou encore la culture de fortes valeurs d’indépendance, de dialogue et de transparence. Dans ce contexte, nous veillons à poursuivre le travail d’ancrage de la culture de radioprotection dans la société, en nous appuyant sur l’expérience accumulée et sur le dialogue avec les citoyens. Dans le dernier semestre 2024 et au cours de ces premiers mois de la nouvelle Autorité, nous avons créé un centre de crise unique et veillé à renforcer notre capacité d’intervention pour tous les types de situation d’urgence et post-accidentelle, fondée sur l’expérience et les capacités opérationnelles acquises. 

 

Les défis de la relance du nucléaire et de l’innovation

 

Dans les mois et années à venir, l’enjeu majeur pour l’ASNR sera d’être au rendez-vous des évolutions profondes du contexte dans lequel s’inscrivent ses activités. 

Lors de la présentation du rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, le 22 mai dernier, à l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), j’avais souligné que la période qui s’ouvrait était marquée par la relance du nucléaire et par un nombre croissant d’innovations, en particulier dans le domaine des petits réacteurs modulaires, des combustibles nucléaires et dans le secteur médical. Or, alors que des améliorations notables en termes de radioprotection et de sûreté ont été apportées au cours des dernières années, notamment à la suite de l’accident de Fukushima, le contexte récent apparaît moins favorable à la prise en compte de ces enjeux. À cet égard, l’ASNR promeut une sûreté et une radioprotection proportionnées aux enjeux : capacité à hiérarchiser les enjeux, à les prioriser et à déployer une approche proportionnée explicite, en conservant un haut niveau d’exigence de sûreté et de radioprotection. 

Être au rendez-vous des grands défis induits par la relance du nucléaire implique que l’ASNR développe sa capacité à anticiper, à s’adapter et à acquérir les connaissances techniques et scientifiques et les compétences nécessaires dans les champs couverts par les activités que nous régulons. Il s’agit notamment de porter une attention particulière au pilotage des instructions et des expertises, en visant à garantir leur rigueur et leur efficacité tout en assurant la maîtrise de leur durée. Nous devons également développer des modes de contrôle adaptés aux enjeux émergents.

 

S’adapter aux innovations technologiques et maîtriser la complexité

 

Pour répondre aux défis de l’innovation, en particulier dans le domaine des petits réacteurs modulaires, des combustibles nucléaires et dans le secteur médical, l’ASNR poursuivra le développement de processus d’autorisation adaptés aux projets innovants et améliorera l’articulation de nos processus d’instruction avec les processus industriels. Elle veillera au développement de nos connaissances propres par une stratégie de recherche adaptée et en anticipation, et de nos compétences par une formation continue adaptée aux missions et par l’anticipation de la mise en œuvre des innovations. Elle renforcera et développera des interactions plus fortes avec les acteurs stratégiques du domaine médical. Elle intégrera de manière maîtrisée les opportunités et les risques de l’intelligence artificielle dans l’ensemble des missions de l’ASNR. Cette intégration concernera tant l’usage de l’IA par les responsables d’activités nucléaires que son usage interne pour la réalisation de nos missions. Elle fera évoluer la réglementation pour l’adapter, lorsque c’est nécessaire, aux nouveaux enjeux. 

Enfin, l’amélioration de la sûreté et de la radioprotection en exploitation passe par une meilleure intégration de la réalité des actions de terrain et des enjeux de maîtrise de la complexité. En effet, ces améliorations ne doivent toutefois pas participer à l’augmentation de la complexité d’exploitation des installations nucléaires qui induirait d’autres risques pour la sûreté et la radioprotection. Cela passe par l’intégration dans les expertises, les instructions et les inspections des facteurs concrets qui ont un impact sur la sûreté et la radioprotection (Facteurs sociaux, organisationnels et humains ou FSOH, prise en compte du REX, etc.). Il s’agit également de contribuer, dans le rôle qui est celui de l’ASNR, à la maîtrise de la complexité des référentiels utilisés sur les installations nucléaires, et d’y inciter l’exploitant.

 

Promouvoir l’excellence française à l’international

 

Plus globalement au plan international, dans le contexte géostratégique que nous connaissons, l’ASNR s’attache, dans le cadre de coopérations et instances bilatérales, européennes et multilatérales auxquelles elle participe, à promouvoir l’établissement de référentiels internationaux ambitieux. L’implication multilatérale est une priorité, au sein des organisations internationales comme l’AIEA, mais également au niveau européen, à travers la participation aux associations spécifiques que sont HERCA, WENRA, ou encore ETSON1. Elle est complétée par des échanges bilatéraux sur des thématiques spécifiques. À travers son engagement international, l’ASNR bénéficie des meilleures pratiques et du retour d’expérience de ses homologues. Elle renforce et étend ses alliances et partenariats de recherche. Enfin, elle promeut les approches françaises en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, qui impliquent notamment l’indépendance de l’autorité de sûreté, un attachement à la primauté de la sûreté et la mise en œuvre d’une démarche scientifique. 

1. HERCA (Heads of The European Radiological protection Competent Authorities) est une association volontaire au sein de laquelle les dirigeants des autorités européennes compétentes en radioprotection travaillent ensemble afin d’identifier des problématiques communes et de proposer des solutions en conséquence. WENRA (Western European Nuclear Regulators Association) est l’Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest. ETSON (European Technical Safety Organisations Network) est le réseau européen des organismes techniques de sûreté (TSO).
Pierre-Marie Abadie
Pierre-Marie Abadie (CM94)
Également ancien élève de l’École polytechnique (X88), Pierre-Marie Abadie débute sa carrière en 1994 à la DRIRE. Au Trésor de 1998 à 2002, puis conseiller pour les affaires industrielles du ministre de la Défense jusqu’en 2007, il a été directeur de l’énergie à la Direction générale énergie et climat (DGEC) jusqu’en 2014. Il était DG de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avant d’être nommé président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) en novembre 2024.
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